La réforme foncière en Tunisie est presque impossible avec la législation actuelle et particulièrement la loi du 12 Mai 1964 qui ne se prononce pas sur la confiscation des biens ruraux des colons et leur transcription dans les registres de la conservation foncière.
Le patrimoine foncier de l’Etat est estimé de 800 000 ha constitué de la sorte
- 4441 ha déchéance des droits des colons pour non respect des clauses des contrats de vente tels que stipulés dans l’article 47 du décret beylical du 19 septembre 1948. (1)
- 15000 ha récupérés suite à l’application de la loi du 11 juin 1958 de la mise en valeur de la basse-vallée de Medjerdah.
- 127000 hectares furent rachetés par la Tunisie dans le cadre du protocole d’accord du 8 mai 1957 .
- 180000 ha devenus propriété de l’état par la loi de liquidation des Habous publique et privé(2).
- 150000 ha rachetés contre le payement 1.5 millions de francs , suite à deux protocole entre 1960 et 1963 (3)
- 300000 ha loi 12 Mai 1964
Sauf les 300000 ha le reste fait partie de la propriété privée de l’Etat Tunisien car la loi 12 Mai 1964 elle interdit juste la gestion directe des propriétés agricoles par les non Tunisiens et transfère la gestion des biens ruraux des étrangers au Domaine Privé de l’Etat c’est ce que précise l’article 2, quand à l’article premier il indique qu’à partir de la promulgation de la présente loi personne ne peut devenir propriétaire des terres agricoles en Tunisie en dehors des Tunisiens, étant donné que la loi n’est pas rétroactive donc les titres fonciers sont encore au nom des étrangers ce qui fait que les 300000 ha transférés à l’Etat Tunisien par la loi 12 Mai sont au nom des colons c’est une nationalisation mutilée car ce transfère n’a pas fait l’objet d’une transcription dans les registres fonciers au nom de l’Etat Tunisien. Cette situation ambigüe a fait que des situations sont restées en suspend depuis plus de 50 ans tel que les échanges dus aux diverses expropriations comme les constructions de barrages ou constructions de routes… cela dit il faut amender la loi 12 Mai en ajoutant une clause qui stipule ‘’ Sont transférés à la propriété de l’Etat et inscrit sur les registres de la conservation foncière les propriétés agricoles appartenant à des non Tunisiens ‘’ c’est ce qui manque dans la loi de nationalisation des terres coloniales qui ont été confisquées par des procédures de spoliation sous la menace de la puissance dominatrice à titre indicatif on cite le décret du 13 novembre 1898 , un décret qui a bafoué les mœurs et cassé les tabous un séisme dans le droit charaïque , ce décret exige de la Djemaïa des Awkaf la fourniture de 2000 ha de propriétés rurales habous publics à la direction de l’Agriculture, pour être cédés à bas prix aux ressortissants français (4)
on cite aussi , dans la région de Sfax, plus de 160 000 hectares de terre attribués, par le bey, à la famille Siala, qui en tirait une rente prélevée sur les fellahs, ont été confisqués, et leurs exploitants ancestraux, dépossédés au profit des colons français (5).
Des pression et de menaces de confiscation de biens Habous se poursuivent la Djemaïa est sommée de fournir plus de terres à lotir, de ce qui fait qu’entre 1892 et 1914, 450 000 hectares de terres sont acquis par les colons(6).
On remarque bien que la décolonisation des terres agricoles n’est autre qu’une justice rendue. En comparaison avec le Maroc la nationalisation fut parfaite et sans équivoque elle concerne uniquement les terres qui appartenaient au royaume avant l’entrée des Français ; le Dahir n° 1-63-289 du 26 septembre 1963 fixe la reprise de l’Etat des terres cédées à la France sous la menace et ordonne leurs inscriptions au non de l’Etat Marocain dans les registres fonciers (7).
Donc il est nécessaire de procéder à cet amendement afin d’assainir les situations foncières en suspend depuis plus de 60 ans de permettre aux ayants droits de s’intégrer dans la vie économique comme ceux qui ont eu des échanges suite aux terres submergées par les retenues des barrages, les lots attribuées aux combattants, aux techniciens, aux fils d’agriculteurs, aux lots attribués aux ouvriers des UCPs qui sont les ingénieurs du terrain. Cet amendement aidera les collectivités publiques à mieux gérer l’aménagement du territoire.
(1) : Hubert, Thierry — 1963, « La cession, à la Tunisie, des terres des agriculteurs français », Annuaire français de droit international 9 : 933-952.
(2) : décrets des 31 mai 1956 et 18 juillet 1957
(3) : Protocole du 13 octobre 1960 et du 2 mars 1963 dont une partie des biens séquestrés a été rachetée
(4) :(Christophe Giudice Législation foncière et colonisation de la Tunisie - p. 229-239
(5) : Mohamed Elloumi, « Les terres domaniales en Tunisie », Études rurales, 192 | 2013, 43-60.
(6) (JEAN Poncet La colonisation et l’agriculture européenne en Tunisie depuis 1881, Paris, Mouton, 1962, p. 141. )
(7)Riadh BEN KHALIFA :La récupération des terres agricoles coloniales en Tunisie (1951-1964), Mémoire de DEA, soutenu à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, le 18 novembre 2002.